Avant de Toucher le Ciel est un spectacle qui ose.
Qui ose d’abord les contes d’autrefois. Ceux qu’on croit connaître, qu’on relègue à l’enfance, qu’on a presque oublié ou jamais connus, et qui ont pourtant tant à nous dire.
Avant de Toucher le Ciel ose les revisiter, les croiser, les danser.
Car Pierre et Muriel dansent les histoires. Ils jouent avec elles comme des enfants le feraient, s’ils en avaient encore le temps.
C’est ce qui frappe en premier, ce plaisir du jeu : ca joue, ça respire, ça circule, ça rebondit sur le plateau. C’est fluide, ludique et rythmé.
Un conteur qui danse, une danseuse qui parle ; deux artistes qui jouent « pour de vrai » et qui nous emportent dans leur tourbillon de joie et de sincérité.
On les observe « être ensemble » ; s’échanger les personnages, nous parler, créer des mondes. On se demande où on nous emmène. On s’étonne de les voir recommencer l’histoire juste en dansant, puis en changeant le héro en héroïne.
Ca aussi c’est osé : recommencer. Ne pas passer tout de suite à la suite, refaire, mais pas tout à fait pareil. Ca excite la curiosité, ça maintient éveillé, les yeux grands ouverts pour ne rien manquer.
Ensemble, Pierre et Muriel racontent leur version de Vassilissa et de l’Apprenti Magicien. Ils les croisent et les éclairent de manière singulière. Ils nous parlent des chemins d’initiation propres à chaque sexe : patience et courage pour la jeune fille, connaissance et voyage pour le jeune homme. L’un et l’autre devront s’affrontent à eux-même, à leur peurs et à leurs limites qu’ils devront dépasser. On s’y reconnaît. C’est la force et la profondeur des contes merveilleux. Peu à peu un fil rouge se tisse, qui relie les deux histoires, et on comprend que le chemin qui mène au ciel n’est autre que celui de l’amour partagé.
Sur le plateau, la lumière est une présence fine et discrète, elle créer des espaces, souligne un climat, permet de tourner la page. On jubile en outre de l’inventivité déployée autour d’un simple carton qui devient tour à tour tête de géant, maison sur pattes de poulet, lit-baignoire et bien d’autre choses encore. On se délecte du personnage de la vieille, sorcière initiatrice, que Pierre incarne avec humour et précision. C’est vrai qu’on perd parfois le fil tant ce qui est donné à voir attire. Certain diraient : « c’est pas du conte ». Moi je dirais : « c’est un spectacle de conte polyphonique, une narration à plusieurs voix. » Un spectacle qui cherche, explore, invente au-delà, des idées toutes faites sur ce qu’est, ou n’est pas, un spectacle de conte. Pierre Deschamps aurait pu raconter seul « à l’ancienne » comme il sait très bien le faire, mais sa nécessité d’artiste l’a conduit ailleurs et il a su l’écouter. C’était risqué, audacieux. Mais le poème a eu lieu, et l’empreinte demeure, au-delà.
Karine Mazel-Noury
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